Mauvais jeu [PV Ashton]

Plus un bruit. Si les loups habitaient les environs, alors peut-être auraient-ils hurlé pour indiquer que la nuit tombait et que l'astre lunaire avait pris sa place dans le ciel. La pluie de début de soirée s'était arrêtée. En vérité, elle n'avait duré que très peu de temps. Plusieurs minutes, puis plus rien. Les cheveux de la jeune fille étaient néanmoins trempés, tout comme sa veste. Bien heureusement celle-ci était un minimum étanche et ses autres vêtements n'avaient ainsi pas pris l'eau. Pas de rhume à l'horizon, donc. Bonne nouvelle. Un doute l'assaillit soudain. Avait-elle bien fait de ne pas aller à ce cours? Qu'allait-on lui dire une fois rentrée chez elle? Des reproches très certainement. A quoi s'attendait-elle donc? Qu'on lui déroule le tapis rouge? Qu'on l'applaudisse pour avoir séché? Certes. Pourquoi ne pas prétexter un maux quelconque, il en existait tant. Nausées, maux de ventre, malaise, migraine insoutenable... ou tout simplement dire la vérité et rien d'autre. Oui, juste la vérité. *Rentre chez toi, et on verra bien ce qu'en disent les parents. La fatigue aussi peut-être un bon moyen de calmer un jeu perdu d'avance. Tu es fatiguée, tu le sais... C'est trop dur sans lui...*

Rentrer chez elle. Chose aisée à faire, seulement voilà. Sa canne heurta quelque chose. Un poteau? Un feu de signalisation? Et bien non, un pied, ce que son propriétaire ne tarda pas à lui faire savoir.

-Aaaah, c'était mon pied ça mademoiselle. Vous avez besoin d'aide peut-être? Vous êtes perdue? Je peux vous indiquer votre chemin?

-Non merci, vraiment. Je peux continuer seule.

-Maaais, c'est juste une aide, mademoiselle!!! Pas de quoi avoir peur. On est pas des mutants vous savez.

Et alors, qu'est-ce que cela avait d'important? Qu'ils possèdent ou non des pouvoirs, ils étaient de parfaits inconnus. Pas la peine d'en savoir plus à leur sujet. Ne pas parler aux inconnus, notamment quand ceux-ci insistaient de trop. C'était mauvais présage. Continuer son chemin, la tête haute, faire comme s'ils n'existaient pas, les ignorer. Difficile à faire quand on vous bloque le dit chemin. Impossible pour la jeune femme de passer. Il s'était mis devant elle, et elle compris bien vite qu'elle avait beau faire un pas de côté, il la suivait dans ses mouvements. Le bruit plus le toucher. Une chaussure trop appuyée sur le sol. La personne devait être lourde. La grâce était un mot exclu de son vocabulaire. Eléphant dans un magasin de porcelaine. Et elle, pauvre roseau fragile. Une situation bien ennuyeuse. Alors quoi? Faire demi-tour? Pourquoi pas, le temps qu'il la contourne, elle pouvait au moins faire quelques pas. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle se rendit compte qu'il y avait quelqu'un d'autre derrière elle. La bande de lâche! Que lui voulaient-ils? Lui dérober ce qu'elle portait? Elle n'avait pas de sous sur elle. Sa carte de crédit ne leur servirait à rien, ils ne possédaient pas le code. Si son frère avait été là, ils n'auraient pas osé broncher ces crétins. Que faire? Se taire, rester là comme une cloche, ou parler au risque de se faire casser la figure?

*Trouve une solution vite!*

-Je n'ai pas d'argent sur moi. Je n'ai rien qui puisse vous intéresser. J'aimerai... j'aimerai passer, finit-elle dans un presque murmure.

-On s'en fout de ton argent. Que tu sois gosse de riche ne nous aurait rien amené. On veut juste s'amuser, maintenant que tu as refusé notre aide. Après on nous dit intolérants. Beh, ça nous étonne pas tu vois! Si tout le monde faisait comme toi...

-Ohhh mais c'est une sainte nitouche en plus!!! Regarde moi ça, ça porte une énorme croix. C'est quoi la prochaine étape? Rentrer chez les nones?

*Non la prochaine étape c'est déguerpir d'ici. Pitié, pourquoi personne ne dit rien? N'y a-t-il personne dans cette rue?*

Instinctivement, sa main se porta sur son bijou qu'elle enfouit rapidement sous son pull. Elle ne voulait pas et ne permettait pas que l'on touche au collier de son frère. Jamais elle ne le permettrait. Son coeur commençait à battre la chamade, et son sang frappait contre ses tempes. La situation paressait désespérante, mais elle le fut bien plus quand on lui arracha la canne de ses mains. Les saligauds! Ils s'amusaient avec son handicap! C'était quelque chose qu'elle ne supportait pas. Tout ce qui touchait à sa cécité la faisait se retrancher encore plus dans son monde. Plus on l'attaquait là-dessus, et plus elle manquait de confiance et se sentait inférieure. Si seulement elle avait déjà ce chien, ils n'auraient jamais osé quoi que ce soit. Si seulement Gaël avait été avec elle. Les types avaient décidés apparemment de pousser le jeu un peu plus loin et d'instaurer les règles de colin-maillard. Pas de triche possible du côté de Lys, en revanche du leur... Les "par ici" fusèrent, et elle essaya deux trois fois de leur reprendre l'objet tant convoité, sans succès. Un petit coup de canne dans le bas du dos pour lui faire comprendre que c'était derrière elle, et pas devant. Et elle qui avançait, reculait sans savoir où elle allait... Une pensée la bloqua net dans ses mouvements. Et s'ils avaient décidé de pimenter un peu le jeu et de l'amener ainsi sur la route? Ne plus bouger, s'arrêter. Attendre qu'ils finissent de faire mumuse comme un chat avec sa proie... et espérer qu'ils ne soient pas du genre félin. Seul un "Rendez-la moi, je vous en prie" s'échappa de sa bouche en un souffle. Inutile de dire qu'elle était effrayée.

Ce qu’il pouvait détester traîner dans les quartiers tenus par les militaires. Tout Manhattan était à leurs mains, et il était quasiment impossible de passer sans de réels papiers d’identité. Le seul endroit de cette ville essayant concrètement de retrouver une vie normale était ici, et Ashton détestait ne pas pouvoir faire ce qu’il voulait sans croiser un des ces « monstres ». Car, en effet, la majeure partie des militaires ou des fonctionnaires de l’ordre agissant par ici était munie de ses fameux « dons » qu’il méprisait avec tant d’ardeur. Aucun d’eux ne semblait en mesure d’être « normal » et Ashton comptait bien régler ce fâcheux défaut qu’avaient les forces de l’ordre. Toujours était-il que rien n’échappait à ces hommes. Il n’était, de toute façon, pas là par plaisir.

Pas du tout même. En direction du centre financier où s’était regroupé une bonne partie des stocks tant de vivres que de munitions de l’armée. Il comptait s’approvisionner un minimum, pour être certain de toujours avoir de quoi tenir un siège. Ashton savait exactement où trouver ce dont il avait besoin. Ce n’était pas la première fois qu’il venait « piller » ces fameuses réserves, prenant bien soin de ne prendre que le superflu, ce qui servait ses intérêts mais également le fait que toutes les balles volées ne seraient pas celles qu’on pourrait lui tirer dessus. Il savait exactement ce qu’il devait faire, mais il devait surtout passer tout près de l’université, et il n’aimait pas les petits prétentieux qui y traînaient. Heureusement, deux Beretta lui assuraient une tranquillité relative et pas trop de questions.

Alors qu’il arpentait et même longeait les murs pour éviter de se faire trop remarquer, il appréciait le peu de population dans les rues. La majeure partie était des étudiants, et ils n’étaient pas nombreux. Ashton avait plus de vingt cinq ans, mais il passait encore relativement inaperçu au milieu de tous ces jeunes. Fort heureusement d’ailleurs. Il faut dire qu’il faisait même plus jeune que ce qu’il n’était, mais, dans le même temps, il fallait noter qu’il n’avait pas eu ce que l’on nommait « enfance ». Ce n’était pas le moment de repenser à cela, il le savait, et, de toute façon, son attention fut totalement absorbée par tout autre chose.

A quelques mètres, à moitié reclus dans la ruelle adjacente, deux jeunes hommes, entourant une jeune fille, visiblement plus jeune qu’eux. Ils l’étaient tous par rapport à Ashton. Ce dernier mit un certain à comprendre exactement ce qu’il se passait mais lorsque le principe même de discrimination fut révélé purement et simplement, il n’hésita pas longtemps sur la marche à suivre. D’un pas tout à fait décidé, il avança vers eux. Il trouvait cela d’une lâcheté écoeurante, immonde. Sur le coup, il ne pensa même pas au fait qu’elle puisse posséder elle aussi des pouvoirs, ce n’était pas important. En fait, si ça l’était, mais dans le vif de sa réaction, elle ne pouvait pas être opprimée pour son handicap. Il ne le permettrait pas.

Il ne lui fallut aucun mot. Ashton n’était pas très bavard en général, mais lorsqu’il se savait en possession d’une solution plus que dissuasive, il prenait d’autant moins la peine d’émettre quelques propos. Il dégaina seulement. Ses deux Beretta vinrent se braquer sur les crânes respectifs de ces messieurs. Le regard d’Ashton n’affichait pas davantage de pitié que ses canons, et les deux « cibles » en prirent rapidement conscience. Autant dire qu’ils ne se firent pas prier. Si, au début, ils l’avaient défié du regard, ils semblaient avoir vite déchanter sous l’entente du bruit automatique, signe qu’Ashton était passé en tir semi automatique. Une balle par seconde sur une série de dix coups. Ils ne surent pas immédiatement que faire, mais ils lâchèrent la canne de leur « victime », et disparurent promptement.

Ashton jeta un regard à droite puis à gauche : personne. Il rangea ses deux neuf millimètres, ramassa la canne, et il posa les yeux sur elle. Il eut un instant d’hésitation. Devait-il nécessairement intervenir ? Non, pas vraiment. Il ferait probablement mieux de disparaître sans s’annoncer, de lui remettre l’objet en question et de se faire oublier simplement. Ashton s’approcha donc d’elle, gardant une distance raisonnable pour qu’elle n’ait pas la bonne idée de réagir trop rapidement. Il saisit délicatement sa main et lui glissa la canne entre les doigts. Après quoi, il lui accorda un bref regard, avant de tourner les talons. Sobre et simple, il repartit.

» Topic d'Ashton