Une vague de pensée [Lina]

Le monde avait bien changé. Les mois passaient et certains espéraient naïvement que tous reprennent l’apparence qu’ils avaient eue dans le temps. Nickolas faisait partit de cela. Le regard plongé sur les plages de Upper Bay, il se rappelait pour la millième fois les visions qu’il avait eue après cette vague anesthésique. Il n’avait pu s’en séparer et il ne le souhaitait peut être pas après tout. Il y avait pourtant quelques remèdes à cette nostalgie. Se rappeler des gens qu’il avait sauvé par exemple, qu’il avait aidé, mais aussi des personnes a qui il tenait vraiment.

C’est vêtu d’un jean bleu foncé et d’un simple tee shirt col en v que le jeune homme parcourait la plage, les pieds nus sur le sable frais. On avoisinait les dix huit heures et la fraîcheur du soir avait déjà gagné le littoral. Il n’était pas frileux, loin de la, et pour preuve, il tenait serré dans sa main, un pull a col roulé blanc qu’il aurait pu s’enfiler. Non, ce qui le captivait était ce monde si dévisagé. Il s’en était rendu compte bien avant, mais il était dans ses habitudes de se souvenir. On disait parfois, qu’il ne fallait pas vivre dans un passé. Mais pourquoi le renier ? Le passé est ce qui a fait de nous ce que nous sommes. Qu’il fut accompagné de malheur ou non est tout a fait louable. Tant qu’il nous reste un futur à construire, rien n’est perdu.

Approchant des vagues plutôt calmes, il s’autorisa à s’évader un moment en attendant le coucher du soleil, ce qui n’était pas loin de s’accomplir. Il inspira un long instant, son cœur sembla s’arrêter une seconde remplis de peine et de haine et rejeta le tous comme pour se soulager de tous ce poids sur ses épaules. C’est le visage triste qui regarda l’océan et les yeux scintillants qu’il s’autorisa enfin un sourire discret mais remplit de mélancolie. Tous lui manquait et surtout eux. S’il avait pu survivre, c’était pour eux, s’il voulait vivre, c’était pour eux. Ses parents l’auraient voulu. Et puis, il n’était pas seul. La vie reprenait sa loi, les hommes avaient parfois cet espoir que l’on pensait perdu. Mais il suffit d’une lueur, d’un sourire, d’un regard pour tous faire renaître. Les hommes devaient survivre, il devait prouver qu’il en était tous capable. Il observait toujours cet océan en se disant retrouverait certainement son charme d’autrefois.

C’était le genre de journée où Lina avait besoin de changer d’air, de voir autre chose que des bâtiments en ruine, et des gens blessés. Elle pouvait encaisser beaucoup de choses, mais par moment, il faillait qu’elle arrête si elle ne voulait pas devenir folle. C’est comme ça qu’en un claquement de doigt, de façon imagé bien sur, elle se retrouva sur la plage de Staten Island. D’ailleurs, elle en fut assez étonnée, car son pouvoir avait l’habitude de lui jouer régulièrement des tours, et elle se retrouvait régulièrement à des endroits qu’elle aurait préféré éviter. Mais bon, faillait croire qu’aujourd’hui était un bon jour, et elle n’allait pas s’en plaindre, surtout vu où elle se trouvait.

Staten Island était réputé pour être une zone dangereuse, surtout pour les gens comme elle. Mais son tempérament de tête brulée ne l’arrêtait jamais, et c’est pour ça qu’elle était venu ici sans se soucier des éventuels risques. Faillait dire que la plage était un endroit qu’elle adorait, depuis qu’elle était toute petite. La vue de l’océan, ou ne serait-ce qu’une étendue d’eau, l’appasait toujours, sans qu’elle sache réellement pourquoi. Mais maintenant, après cette guerre, venir à la plage était un risque qu’elle ne pouvait que très peu se permettre.

Marchant sur le sable fin, ayant enlevé ses santiags, et retroussé un peu son jean, la jeune femme avançait tranquillement, perdue dans ses pensées. Voyant une forme dans le coin de sa vision, Lina s’arrêta quelques secondes, se méfiant. Ce n’était pas le moment de tomber sur quelqu’un de dangereux. Mais reconnaissant une silhouette familière, elle se détendit aussitôt, souriant légèrement, avant de s’avancer vers l’homme.

« Nick ? »

La jeune femme l’appela en arrivant à sa hauteur, ne voulant pas le surprendre par derrière, c’était le genre de blague qui ne se faisait plus dans ce nouveau monde dévasté.

Il sentait les grains de sable se glisser entre les doigts de pied et s’en amusait. C’était ce genre de détail qui nous faisait prendre conscience que même défiguré, le monde restait le même, il était simplement a refaire. Les plaisirs de la vie étaient certes moins jouissifs qu’auparavant, à cause de toutes ses horreurs que les hommes avaient en mémoire, mais ils restaient là, a attendre qu’on en profite, qu’on en abuse. Malgré les obligations de ce nouveau monde, certains voyaient en tout cela une raison de vivre. Ils s’accrochaient a ce détail en se disant que leur bonheur viendrait un jour ? Le malheur avait été connu de tous par cette guerre, mais est à cause d’un monde dévasté que le bonheur ne repointera pas le bout de son nez un jour ?

C’est avec un sursaut au cœur et la reprise de ses esprits que Nickolas entendit une douce voit l’appeler avec une touche d’interrogation. Il savait qui se trouvait là. Il n’avait pas besoin de son pouvoir pour le savoir. Un son avait suffit. La douce voix de Lina était reconnaissable sans beaucoup d’effort pour le jeune homme. C’était ainsi lorsque le cœur en y était si attaché. Alors il l’a regarda d’abord étonné puis avec un léger sourire presque timide. L’était il ? Non, mais ce que pouvait dégager ce sourire c’était la sortie de songe mélancolique dont on se sépare pour accueillir une personne que l’on apprécie :

-Lina

dit il simplement.

Que fais tu ici ?

demanda t’il peu rassuré en regardant autour de lui.

Tu sais que ce n’est pas un endroit fréquentable ici ?

Ajouta t’il en retrouvant son sourire.

Il connaissait la jeune femme. Il la savait têtue mais également courageuse. Il se ressemblait après tout. Il se doutait également que s’il avait eu un ton autoritaire ou trop protecteur, elle se serait recroquevillée. Peut être même qu’elle aurait été déçue par ses reproches. Mais a la vérité, Nickolas était heureux de ne plus être seul. Il avait besoin de compagnie. Et quoi de mieux que la jeune Johnson.

Cependant, il n’ajouta rien. Il se contenta de la regarder. Il la trouvait toujours aussi belle, et proche du coucher de soleil, elle avait presque l’air d’être irréel. Comme c’est magnifique tableau détruit par cette guerre dont Nickolas avait encore des souvenirs. Des femmes ressemblant à l’incarnation de la beauté au plus haut de leur éclat. Comment le cœur de Nickolas ne pourrait pas être aussi léger en cet instant. Comment toutes les misères, les problèmes ne pouvait pas disparaître en ce moment précis ?

Lorsqu’il se retourna, Lina sourit largement, sans vraiment s’en rendre compte. Mais finalement, ce n’était pas vraiment étonnant, sa bonne humeur semblait toujours revenir en présence du jeune homme, son esprit s’accordant une pause. Mais cela n’avait rien d’extraordinaire, ni de surprenant pour elle, et c’était même une des raisons qui rendaient leur relation si spéciale à ses yeux. Mais bien sûr, Lina évitait d’y penser trop, ne voulant pas compliquer le tout plus que cela ne l’était déjà. S’approchant, elle déposa une bise sur sa joue, en guise de salut, avant de reculer légèrement. Elle ne put s’empêcher de rire légèrement en le voyant observer les alentours, secouant la tête légèrement d’un air amusé. Les militaires ne changeraient jamais… ou presque.

« J’avais besoin d’air du large un peu… enfin, si on peut appeler ça le large ! Et personne ne t’a jamais dit que tu t’inquiétais trop ? »

Elle avait passé outre la question sur l’endroit, qui était peu fréquentable, car que pouvait-elle répondre ? Rares étaient les lieux sécurisés à New York, et le militaire était bien placé pour le savoir. Mais Lina partait du principe que si elle devait avoir peur de tout, alors elle arrêterait de vivre. Elle savait très bien qu’elle se montrait insconciente par moment, mais bon. Posant un instant le regard sur le soleil couchant, elle eut un doux sourire, trouvant le spectacle offert mélancolique. Il était rare de trouver un peu de repos dans ce nouveau monde, alors si elle pouvait en profiter ici, à cet instant, elle le ferait. Surtout si c’était en sa compagnie, mais c’est une autre histoire. Finalement, Lina se décida à briser le silence, tournant légèrement la tête vers lui.

« Et toi, que fais-tu ici ? »

Comment ne pas s’inquiéter face a tous ce qui se passait dans ce nouveau monde ? Nickolas était conscient qu’il en faisait peut être trop, parfois de manière démesuré, mais il était ainsi et il ne changerait que lorsque le monde aura retrouvé des allures de paix, une vie comme avant, même si l’on souhaitait mieux. Ce jour n’était pas près d’arriver. Les esprits qui avaient survit étaient bien trop différent les uns des autres. Chacun voyait en cette guerre une chance de reconstruire le monde à sa manière. A présent, il fallait décider laquelle était la meilleure et en convaincre tout le monde. Ce point était particulièrement périlleux et, pour tout dire, dans le domaine de l’impossible.

Le soleil se couchait lentement. Les couleurs étaient les même qu’autrefois, pourtant il paraissait si différent. On pense que la beauté d’un tel moment se décrit par le spectacle que l’on regarde, mais c’est dans notre cœur que tous se passe. C’est dans notre cœur et dans notre tête que l’on détermine si un coucher de soleil est joli ou non. Il suffit d’être amoureux pour le regarder en pensant à son âme sœur, Il suffit d’être en colère pour n’y porter aucun intérêt, il suffit d’être heureux pour le voir comme le tableau d’un grand peintre. Il suffit de beaucoup de chose pour se construire un monde. Mais ce coucher de soleil était celui d’un monde dévasté. Même si en ce moment, il fut plus beau que les précédents par la présence de Lina, Il n’en restait pas moins un souvenir des jours heureux. Le jeune homme regarda la jeune femme avec un sourire rassurant :

-Si, on me le dit très souvent. Mais qu’est ce que tu veux, on ne me refera pas.

Son sourire se fondit dans une certaine mélancolie. Les personnes qui lui disaient toujours cela, n’étaient plus qu’aujourd’hui des images dans sa tête. Des images qu’il aurait parfois voulu oublier, surtout les dernières. Mais il récupéra cette joie de vivre lorsqu’il posa les yeux sur son amie. Il était difficile du contraire face à la jeune femme pour qui son cœur battait. Pourquoi était il la ? Pour les même raison qu’elle probablement. Alors pourquoi réfléchissait t’il a sa réponse ?

-A vrai dire, je ne sais pas,

dit il après quelques secondes de réflexion.

Peut être pour les mêmes raisons que toi. Et puis peut être que j’avais envie de te voir.

Nickolas avait un pouvoir, celui de savoir ou se trouve une personne dans le présent. Il n’avait donc pas utilisé son don pour voir la jeune femme. Mais c’était en réalité une manière de lui dire qu’elle était importante à ses yeux. Car son désir de la voir l’avait accompagné toute la journée. Ce sourire qui suivait sa phrase était rempli d’affection :

-Alors dis moi, comment tu te portes ?

demanda t’il en plaçant ses mains dans ses poches.

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